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Le Blogue à Sauro
14 février 2013

Religion, ingérences, laïcité, langue ; quatre points de friction dans la gauche actuelle.

Capture d’écran 2013-02-13 à 21

Il semble assez courant et plutôt logique que dans les premiers moments des grandes mobilisations populaires on observe une forte solidarité - principalement parce que l’ensemble du groupe est mobilisé contre quelque chose - et qu’ensuite cette cohésion soit mis à mal par la nécessité de clarifier la direction à prendre ; il est ainsi plus difficile de mobiliser de grands mouvements populaires pour quelque chose que contre elle. En ces conditions je m’explique assez bien le sentiment d’union animant la gauche au printemps 2012 au Québec et les différents clivages étant nés en son sein dans la période pré-électorale. Simplement, je ne puis cacher ma frustration de voir l’état des différentes mouvances idéologiques québécoises en ce début de l’année 2013 et particulièrement l’état de la gauche, famille idéologique à laquelle j’ai toujours eu le sentiment d’appartenir. Qu’on me comprenne ; je n’ai pas été gauchiste toute ma vie pour être le collaborateur hypocrite d’archaïsmes mystifiants sous prétexte qu’ils s’opposent aux inégalités ou au grand capital.

 

Pour commencer j’aimerais clarifier une chose, toute gauche qui se respecte fonde sa foi profonde en la raison et, par extension, sur le refus de toute sacralisation. Particulièrement, dans un contexte de pensée critique où l’on fait s’entrechoquer les idéologies et les textes qui les portent, aucun texte ne doit bénéficier d’une d’exemption de la critique. Le simple fait de traiter les textes religieux comme distincts dans les productions philosophiques humaines, c’est déjà de leur attribuer une importance exagérée, c’est déjà d’admettre qu’ils ont quelque chose de plus, c’est déjà admettre leur sainteté. Par le fait même, une gauche véritable qui se base sur la raison devrait impérativement faire la critique rationnelle du phénomène religieux, et cela est possible évidemment dans l’étude des textes et des coutumes des religions. Or il semblerait que pour la gauche québécoise actuelle, toute critique d’une religion extérieure à notre bonne vieille bouc émissaire d’église catholique soit nécessairement le produit de l’intolérance et d’un fascisme rampant n’attendant que le bon moment pour frapper. Soyons clairs : si il me vient l’envie de lire le coran, la thora ou tout autre texte « saint » et d’en faire sa critique, je le ferai, car ces textes n’ont été à mon avis révélé que par l’intellect d’un être humain réfutable comme un autre. Et si dans mon analyse ma critique ne peut qu’être négative, eh bien soit, elle le sera ! Mais j’entendrai bien assez tôt les sinistres accusations d’islamophobie, d’antisémitisme ou de racisme. D’une part, la notion de race implique le sang, et non les concepts métaphysiques élaborés dans des productions écrites, ce qui vaut aussi pour l’antisémitisme qui fait explicitement référence à une « race » sémite (notons par le fait même qu’il y a une différence fondamentale entre l’antisémitisme et l’antijudaïsme, ce dernier se limitant strictement à une opposition à la religion juive et non à ses pratiquants).  D’autre part, pour ce qui est de l’islamophobie, le terme est d’une mesquinerie sans borne, englobant toute opposition, justifiée ou non, envers l’Islam dans un concept de peur débordant évidemment sur la haine. Je ne fait pas nécessairement de la critique des religions un passe-temps, simplement, je ne peux tolérer qu’il puisse être interdit de dire qu’un judaïsme obnubilé par son sang et sa lignée et qui se persuade d’être le « peuple élu » est raciste, que le christianisme est d’un anthropocentrisme probablement démesuré et destructeur, que le protestantisme va plus loin encore et consolide un individualisme dont on connaît maintenant les ravages, que l’Islam intègre bon nombre de pratiques archaïques dans ses écrits, que l’hindouisme réduit l’homme à la fatalité du sort, etc. Bref ; les religions, dans une gauche qui se respecte, ne sont que des idéologies réfutables et couramment réfutés, et ne doivent bénéficier d’aucune exemption de la part de l’État et des intellectuels.

 

Maintenant, vous connaissez bien l’expression « entre deux maux il faut choisir le moindre » n’est-ce pas ? Eh bien, je ne m’associerai jamais à une « gauche » qui, sous prétexte de combattre le grand capital ou bien l’occident maudit, passe sous silence où cautionne la barbarie. J’en voyais déjà se plaindre de l’intervention française au Mali, accusant l’ancienne puissance coloniale d’y aller pour spolier l’uranium du pays. Eh bien ouais ! Elle y allait probablement pour ça, mais il reste que je préfèrerais de loin les voleurs hypocrites et ne poursuivant que leurs intérêts aux barbares détruisant la raison et ramenant les peuples aux coupages de mains, aux lapidations, aux censures et aux plus froids totalitarismes.  L’ingérence doit être critiquée dans sa capacité à régler les conflits sur le long-terme et non en elle-même. Je vous avouerais que j’ai une certaine admiration pour un Bonaparte soumettant les mamelouks décadents en amenant en Égypte une élite intellectuelle, offrant l’idéal républicain aux habitants, discutant théologie coranique avec les chefs religieux, n’hésitant pas à réfuter certaines sourates, et ainsi prodiguant un apport culturel certain aux terres du Nil ; Nasser lui-même confirmera mon sentiment. Mais voilà que bien vite la gauche actuelle me traitera d’ethnocentriste de vanter l’Empereur. Je ne le suis pas, je sais simplement qu’entre l’islamisme et le capitalisme, la raison sait très bien déceler lequel mal est le moindre. Maintenant, si c’est l’occident le commanditaire de ces groupes islamistes et que l’objectif était justement de susciter une nécessité d’ingérence, c’est bien triste à dire, mais nous sommes déjà piégés dans ce machiavélisme et la situation doit tout de même être réglée. Avez-vous vu les capacités de l’armée malienne ? Allons-nous avorter ce plan douteux en laissant le champ libre aux islamistes ainsi dotés de grands moyens? Non, nous n’aurons d’autre choix que d’admettre nous être fait avoir et nous mandaterons raisonnablement l’occident de clore ce sombre chapitre de l’histoire humaine qu’il a lui-même créé. Après ça, ce sera aux maliens et aux Touaregs, présentement piégés dans une alliance regrettée, à qui reviendra la tâche de régler leurs problèmes par la démocratie et, s’ils le veulent, nationaliser ce qui leur a été spolié et créer un Azawad souverain, mais nous n’irons pas nous imaginer qu’Al-Qaïda est une meilleure alternative que l’occident dans la région… C’est tout simplement absurde et dangereux de penser ça.

 

De plus, notons que pour une bonne portion de la gauche, toute allusion à une laïcité ferme allié d’une préservation soutenue de la culture renvoi à l’ethnocentrisme et au repli. Il va bien falloir un jour clarifier les choses sur le sujet ; autant il est nécessaire de mettre la religion sur un pied d’égalité avec les autres philosophies issues de discours rationnel et critique, autant il est nécessaire de dissocier la religion et la culture. Certes la religion est une composante essentielle de la culture mais il est encore possible de dissocier les coutumes relatives à celles-ci et le discours idéologique qu’elle représente. J’apprécie autant le son des clochers dans le vieux Québec que le chant des minarets d’Istanbul et je me fout éperdument de leur signification religieuse : c’est la trame sonore du pays que j’écoute. Comprenez donc qu’un Istanbul où les clochers l’emporteraient sur les minarets et qu’un Québec où les minarets l’emporteraient sur les clochers me mettrait mal-à-l’aise. Suis-je ethnocentriste de souhaiter à Istanbul de préserver le chant de ses minarets ? Sans m’étendre trop sur le sujet, toutes les cultures ont des trésors à faire bénéficier aux autres cultures ; est-ce la religion ? Peut-être, mais elle doit faire face à l’arène des idéologies modernes. Ces trésors, ils se retrouvent principalement dans l’art. Faites-nous plutôt bénéficier de vos mets, de vos chansons, de vos danses, de vos histoires, de votre cinéma, de votre iconographie, de vos styles vestimentaires, etc. Et si vous venez me dire que vos arts sont subordonnés à votre religion, comme par exemple en ce qui a trait aux vêtements, eh bien je vous répondrais que l’art véritable est libre et que vous supportez un bien triste poids qu’il vous serait nécessaire d’abandonner. Bref ; refuser les ingérences religieuses dans l’État et dans la loi, ce n’est pas refuser la diversité culturelle exprimable dans l’art, et certaine chose ayant été instauré par la religion peuvent, après un certain moment, être dénué de tout caractère sacré et rester important pour l’identité culturelle d’un peuple. Qu’on ne vienne jamais modifier le nom de St-Foy, ça n’a rien de religieux, c’est simplement le nom d’un quartier où j’ai grandi et l’on trouve important de préserver sa dénomination originelle. Penserait-on un jour renommer San-Francisco sous prétexte que le terme est christiano-centriste ?

 

Et qu’en est-il des paroles sur cette trame sonore ; de la langue ? Un Istanbul où j’aurais de la difficulté à être servi en turc serait dénaturé tout comme peut l’être un pays francophone où on ne parle que l’anglais. Et pourtant Istanbul regorge de minorités linguistique, mais la Turquie parle en turc avec elle-même. Et vous savez, la diversité est belle, mais la chute de la tour de Babel était initialement un châtiment… Aucune société n’a de bénéfice à cultiver un climat d’incompréhension mutuelle. Nous aurions bien pu, au Québec, baser notre sentiment national sur la religion, sur le sang ou un autre critère discriminant, mais non, nous avons choisi la langue, et ce qu’il y a de magnifique là-dedans, c’est qu’une langue, ça s’apprend ! Or donc comment pourrait ont dépeindre les partisan d’un Québec fièrement français comme étant replié au niveau identitaire : nous avons choisi un critère tellement simple et accessible pour devenir citoyen !  Et puis encore gronde les accusations d’intolérance que le français soit la seule langue du Québec… Il est tout simplement facile pour des gens de toutes origines au Québec d’adopter la lingua franca et d’en vanter les mérites, puisqu’eux, au moins, lorsqu’ils retournent au bled, ils ont le plaisir de parler leur langue nationale sans que celle-ci soit constamment remise en question.

 

En bref ; critiquons comme elles le mérite les différentes religions, ne cautionnons pas la barbarie des uns par l’hypocrisie et la puissance des autres, dotons nous d’états laïques et soucieux de promouvoir la culture et respectons qu’au Québec, on parle français, et là vous me convaincrez du bien fondé de la gauche québécoise actuelle. D’ici là, je resterai sceptique et j’aurai bien de la misère à m’associer pleinement à celle-ci.

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