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Le Blogue à Sauro
17 novembre 2014

Guerre en 2014

Lockheed_F_35_Joint_Strike_Fighter

Je ne m'attarderai ici qu'à tenter la définition des conditions de victoire ou de défaite des guerres menées par les armées occidentales en 2014. Je le ferai froidement et tâcherai de ne pas tomber outre mesure dans les débats de légitimité; que celui qui lis cet exercice garde en tête que son objectif est strictement de comprendre comment sortir victorieux des conditions actuelles.

Je considérerai d'abord que l'armée vertueuse est celle qui vise à préserver la tranquillité et le bien-être de son pays. Ensuite, j'admettrai qu'advenant le cas qu'elle détienne ce pouvoir, préserver la paix internationale par tous les moyens doit être l'objet de toutes ses actions.

Or préserver la paix, c'est aussi se positionner contre les guerres injustes et assumer la responsabilité de la victoire. Les états faibles et vaincus n'offrent pas telles dispositions, ils sont passif devant les événements et ne peuvent que difficilement les influencer. Il faut donc se donner les moyens de nos ambitions; et ceci justifie la quête constante de la victoire. Aujourd'hui, les grandes puissances occidentales vivent une crise de légitimité qui nuit grandement à leurs perspectives de victoire face à leurs ennemis. Les guerres irrégulières et asymétrique et les tensions avec les puissances montantes semblent les avoir enlisées dans un cycle de défaites difficilement explicables et on tarde à s'admettre ce triste constat : bien que grandes puissances, nous ne sommes plus capable de gagner des guerres et cette situation nous place dans un état de passivité face au monde pour les décennies à venir.

La guerre au terrorisme

Le premier problème que posent les guerres moyen orientales à l'heure actuelle est que les terroristes ont déjà gagné. La victoire est un état d'esprit et l'anticipation de la défaite ne fait que précipiter son aboutissement. En effet, comment pourrait-on gagner une guerre à l'étranger si nous sommes absolument incapable d'envisager une victoire claire dans une avenir proche, ou pis encore, nous nous vautrons dans une apologie du défaitisme occidental? L'ennemi connaît notre manque de foi total en nos entreprises belliqueuses au Moyen-Orient et sait qu'à chaque attentat, à chaque situation d'enlisement, il se rapproche de la victoire et du retrait de nos troupe. Notre ennemi sait qu'il peut gagner, ce que nous sommes, pour notre part, absolument incapable de faire.

De plus, notons qu'une «guerre contre le terrorisme » est vide de sens et condamnée à l'enlisement en raison du caractère sporadique des attaques. Ce type de « guerre » n'a ni début ni fin et s'apparente plus au maintient de l'ordre public qu'à une véritable opération armée. C'est une guerre défensive. Alors pourquoi la déclarer? Pourquoi les gouvernements occidentaux nous ont ils vendu cette idée de « guerre au terrorisme » depuis 2001, considérant qu'il s'agit là d'un engagement dans une guerre qui ne présente, de manière pragmatique, aucune perspective de victoire? Là est toute la question, mais les gains politiques clairs d'un tel positionnement offrent de bonne pistes de réflexion.

Il m'apparaît de plus en plus évident que les gouvernements occidentaux ne recherchent la victoire militaire qu'en apparence tellement leur désespoir est grand de ne pouvoir la revendiquer dans le réel. Les coffres des élites revendiquent assez de victoires pour permettre à ces gouvernements imprudents de mépriser les victoires politico-militaires. Il me semble aussi assister à une stratégie générale de la défaite, destinée à déstabiliser des ennemis de plus en plus divers plus qu'à vaincre unilatéralement un adversaire identifié. Les financements occultes aux groupes terroristes, les alliances douteuses avec des gouvernements régionaux contestés, les ingérences illégitimes, le tout-pour-Israël et les prédations économiques auront peut-être divisé nos ennemis quant aux perspectives d'avenir de leurs sociétés propres, mais les aura définitivement uni dans leur haine a notre égard. Comment espérer vaincre lorsque les erreurs sont si grosses, si constantes et si systématiques? Comment revendiquer le statut de grande puissance, lorsque toutes nos actions semblent programmées pour la défaite?

Le jour de la fusillade au Parlement canadien, l'armée américaine aurait largué « par erreur » une cargaison d'armes aux troupe d'ISIS dans la féroce bataille de Kobani. Comment est-ce possible? Pensez aux morts qui seront causées par cette cargaison d'armes militaires comparé à celle qui fut causée par le calibre 22 de Zehaf Bibeau. Une erreur militaire ne devrait-être excusée que si nos États-Major sont à même de revendiquer ne serait-ce qu'un semblant de fiabilité; or à l'heure actuelle, on ne nous sert que des actions ruineuses et des erreurs de plus en plus douteuses. Qu'en 2014, à l'heure ou n'importe qui a accès à de l'imagerie satellite, à des outils hautement sophistiqués et qu'on commence à planifier les livraisons à domicile par drones, les armées les plus puissantes sur terre aient le culot de faire des erreurs aussi grossières tient véritablement de l'absurde.

Mais comment inspirer la fiabilité à des troupes qu'on envoi à la défaite, dans le cadre d'une guerre perdue d'avance? Comment inspirer la nécessité de la victoire à une population si l'on ne cesse de la tromper au su et au vu de tous? La corruption généralisée qui caractérise désormais nos sociétés n'épargne pas nos politiques militaires, et des états qui financent le terrorisme et l'obscurantisme et qui versent dans les mécanismes de contrôle totalisants, s'ils espèrent vaincre ces mêmes fléaux avec la sueur et le sang de leurs populations, ne verront cependant leur entreprise que couronnée d'un insuccès des plus honteux, chez eux comme ailleurs.

Maintenant, la première réaction d'une population loin des fléaux de la guerre, établie et prenant pour acquise sa situation, est bien souvent le mépris du métier des armes. Considérant en complément l'héritage des mouvements pacifistes des années 60 en occident, il est nettement observable que la réponse populaire classique à cet ensemble de stratégies militaires ruineuses est un pacifisme rigide. Ce pourrait être une réponse suffisante s'il n'y avait cette négligence naïve face à des ennemis bien réels que nous a attiré l'incompétence de gouvernements successifs. Ainsi, j'ai la conviction que les pays occidentaux, incarné de manière incompétente dans l'OTAN, doivent impérativement revoir leur stratégie générale face au monde plutôt qu'opter pour un désarmement imprudent inspiré par un pacifisme béat. Nos ennemis traditionnels et nos nouveaux s'arment. Il n'y a aucun signe de relâchement des tensions et donc aucune raison de ne pas se méfier.

Nous nous trouvons désormais face à la nécessité impérieuse de projet structurants pour le monde. Et qu'on s'entende bien; ils seront bien loin de la perfection. Le nouvel ordre monarchiste de 1815 était loin d'être parfait; mais il aura fécondé un XIXe siècle tranquille. La stratégie de containment anti-communiste pendant la guerre froide était loin d'être parfaite; mais elle a stoppé une contagion révolutionnaire réellement expansionniste et inquiétante. L'ouverture du monde par la libéralisation de l'économie était loin d'être une mauvaise idée, mais elle aura été gâchée par les déboires post-11 septembre. Désormais, dans un climat de crise généralisée, il est absolument nécessaire d'adopter une nouvelle stratégie globale, de bien l'exposer aux gens et de bien s'assurer de son exécution. Donner plus de pouvoirs aux forces de l'ordre et brimer les droits de ses propres citoyens, tel n'est pas une stratégie globale. On parlera plutôt ici de soucis tactiques désespérés d'une guerre sans leadership.

Le premier constat à prendre en compte dans une nouvelle stratégie victorieuse, c'est que la guerre en 2014 est essentiellement une guerre d'image. On aura beaucoup parlé des décapitations d'ISIS et du soin accordé à leurs productions vidéos. On aura aussi analysé les motivations des djihadistes et évoqué au passage le caractère romantique attirant d'une lutte franche et assumée. Nous devrons aussi ici prendre en compte le graphisme saisissant du drapeau d'ISIS, aisément reconnaissable et dont la profusion dans les images du groupe rappelle le parfum nauséeux de la ferveur nazie. En ce qui a trait aux prédations russes sur les zones russophones d'Europe de l'est; une olympiade pharaonesque, une image de stabilité et de force retrouvée pour la Russie et un brouillage complet des détails de son implication en Ukraine suffisent à expliquer l'importance de l'image. La Chine, quant à elle, ouvertement colonialiste à l'ouest et profitant de la guerre au terrorisme pour consolider son expansion, d'une attitude franchement intransigeante en Mer de Chine, est cependant précédée de son gigantisme économique et démographique et de son image mystifiante, reléguant ses appétits militaire au bas des préoccupations du commun des mortels. L'on pourrait s'étendre sur les diverses manifestations des guerres d'images, mais considérons simplement ceci; l'occident connaît un déficit de légitimité actuellement précisément parce que son image est ternie. Ternie par les guerres injustifiées., ternie par les crises, ternies par la corruption, ternie par la crise écologique, etc. Et ce n'est pas tant parce que ces domaines seraient spécifiques à l'occident, c'est plutôt la conséquence de l'omniprésence des médias et des productions culturelles occidentales de par le monde, qui informent plus ou moins honnêtement de l'état des choses, mais qui témoignent en tout cas assurément d'une société qui se sent malade, à bout de souffle et écrasé par la modernité. L'occident a perdu son image de société dynamique; elle revêt maintenant celle d'une élite décadente et totalitaire qui cherche désespérément à maintenir sa néfaste emprise sur le monde.

En ces conditions, il faudra pour l'occident rivaliser d'authenticité et faire en sorte que ses actions reflètent ses valeurs profondes. Qu'il cesse de se cacher dans ses stratégies honteuses, qu'il cesse de donner à nos politiciens le visage de ceux qui font mine de ne rien savoir, qu'il cesse d'avoir peur de paraître imposant : s'il a à diriger le monde, qu'il l'exprime clairement ou qu'il se taise à jamais. Les peuples en ont marre des intrigueux, des politiciens verreux qui prononcent des phrases creuses. Pensont à Obama, incapable d'admettre une déclaration de guerre à son peuple et obligé de clarifier ses dires le lendemain. Clarifier quoi? Une déclaration de guerre? Vraiment? Ont s'interroge sur l'attrait qu'exerce le djihadisme sur les occidentaux radicalisés; cherchons du côté de l'authenticité. L'État Islamique propage une image de combat authentique; une idéologie claire, des combattants qui donnent leur vie pour cette cause qu'ils jugent noble, et des actions dirigées par cette idéologie seule. Je n'ai pas le moindre doute que des gens radicalisés puissent en être tentés. L'occident doit impérativement cesser ses tergiversations. S'il veut gagner une guerre, il devra d'abord arrêter de passer pour le lâche et assumer sa position, et cela implique qu'il se dote de politiciens courageux.

Il sera aisé pour l'ouest de retrouver ses fondements vertueux et de recommencer leur promotion de par le monde. Il faudra renforcer nos connaissances de l'histoire et retrouver foi dans le formidable dynamisme de notre civilisation. Il faudra que cette fierté d'être libre et en sécurité soit contagieuse, qu'elle émeuve les peuples et que nous soyons assez fort pour leur assurer un avenir toujours meilleur. Telles sont les valeurs occidentales; leurs simplicité sont désarmantes, et c'est bien lorsqu'on failli de se représenter comme on devrait l'être que nos ennemis parviennent à les faire oublier au monde entier. Il est inadmissible que les sphères politiques les méprisent, puisque le peuple occidental, lui, les porte fièrement en son coeur. Le jour devra donc venir où, fort de la légitimité de l'Histoire et de la vertu, un gouvernement rétablira son adéquation avec les valeurs fondamentales qui ont forgé la puissance de l'occident.

Dès qu'il aura rétablit son image en admettant ses fautes passées, en réparant ce qui peut encore l'être, en reconnaissant ce que l'orgueil l'avait empêché de faire, en accordant son temps et ses efforts pour ce qui compte vraiment, et qu'enfin on reconnaîtra en lui une entité bienveillante, sensé et digne de confiance, là seulement, l'occident pourra envoyer des armées en terrain ennemi de manière digne et victorieuse.

Mais il faudra aussi qu'il adapte ses tactiques et qu'il assume les nouvelles réalités de la guerre. Dans un cas bien concret, on aura beaucoup parlé du nécessaire envoi de troupes au sol en Irak, patate chaude constamment esquivée par les multiples États coalisés, et force est d'admettre qu'il y a une réelle hésitation à se réengager dans ce type de combat. Bien que j'ai affirmé plus haut que je ne pensais pas que les gouvernements occidentaux cherchaient réellement la victoire, je me bornerai à considérer que tel était bien leur plan. Ainsi donc, s'il eut été projeté d'éradiquer l'État Islamique naissant, il aurait fallut admettre les limites de la force aérienne et réadapter nos tactiques en fonction d'un contexte pas réellement nouveau : la guerre classique. Car si on parle bien souvent de guerres « irrégulières », elle ne le sont que parce que les États-Unis s'acharnent à utiliser un armement élépĥantesque inadapté à une guerre classique. En effet, dans leur constant effort d'éloigner la guerre de leur population, les gouvernement de l'ouest ont développé à fort coût des armements de pointe; missiles intercontinentaux, avions supersoniques, et maintenant, les drônes. Ce dernier, tristement, est le plus digne représentant de cette volonté de sous-traiter nos guerres. Les occidentaux détestent les guerres, et au lieu de se soumettre à la démarche de les justifier par l'effort, leurs dirigeants dissimulent leurs implications derrière le semblant de vertu de la technologie. Or tout ce tapage est absolument inutile dans la guerre qui nous concerne actuellement. Un passage fort du documentaire de Vice « L'État Islamique » montre Abu Mossa, représentant officiel de l'État Islamique pour la presse, s'adresser aux américains en disant : Ne venez pas avec vos drônes, ramenez les mêmes soldats que nous avons humilié en Irak ». Le message était clair et témoignait de la véritable inutilité de ces armements coûteux : la victoire ne s'obtiendra pas en se cachant derrière des drônes, mais bien en acceptant le duel que nous propose désormais nos ennemis, le terrain de la guerre classique. Les conditions de la victoire sont ainsi établis : tant que l'occident refusera de se livrer à un combat honorable, le terrorisme djihadiste existera et remportera d'éclatantes victoires.

Un combat honorable, cependant, présente un fort coût émotif. En effet, il occasionne plus de morts chez nos soldats.  Mais l'adversaire, lui, ne compte plus les morts tant les proportions entre ceux de chaque camp sont débalancées en guerre asymétrique, et il ne pourrait être justifiable de trouver cela normal. Cette surévaluation et cette irritabilité occidentale qui accueille la nouvelle des morts, certes malheureuses, mais peu nombreuses de nos soldats est un véritable frein aux règlement de conflits. On se retrouve alors en présence d'une force qui a tout à perdre, et une qui n'a plus rien à perdre. Quelle plus malheureuse expression de ce phénomène que sont les attentats suicides? Enlevez la vie à un seul occidental et c'est toute la civilisation qui semble trembler; tel est notre principal point faible. Comment espérer vaincre un ennemi que nous massacrons sans vergogne, mais qui connaît très bien notre faiblesse? Les peuples occidentaux sous-évaluent les pertes qu'ils causent outre-mer et sur-évalue les leurs. Ils sont essentiellement loin de la guerre, comme anesthésiés par un couplage de paranoïa médiatique et de politiques militaires ruineuses.  C'est d'ailleurs cette distanciation vis-à-vis de la réalité crue de la guerre qui fait en sorte que les citoyens occidentaux tiennent moins rigueur à leur gouvernement de faire des déclarations de guerre officielles. Aujourd'hui, entre les « opérations ciblées », les « zones d'exclusion aériennes », les « soutient logistiques et tactiques », et les autres formulations toujours moins engageantes, toujours plus euphémisantes, et toujours plus défaitistes, il est très difficile de réaliser l'ampleur des dégas géopolitiques de nos politiques guerrières. Se réengager dans un combat classique, c'est réhumaniser la guerre et assumer l'ampleur de la responsabilité qui nous incombe.

Ainsi, si la perspective d'une certaine « maturité » du terrorisme djihadiste peut paraître de prime abord inquiétante, il est possible d'y voir plutôt une opportunité pour reprendre le contrôle des événements. En effet, combattre un ennemi sans visage, et disséminé dans « l'air du temps », au creux même du cœur d'un peuple, est chose extrêmement complexe. Mais s'il se donne une armée cohérente; c'est déjà nous donner quelque chose de concret à vaincre. S'il impose un État à la communauté internationale, c'est déjà nous donner des légitimations politiques fortes pour tenter de le vaincre. S'il brandit son drapeau et se pavane derrières ses vantées productions audio-visuelles, c'est nous donner l'opportunité de lui rappeller ce qu'une civilisation gigantesque et grandiose comme la nôtre est capable de lui donner comme pluralité de drapeaux et de productions artistiques et culturelles. Cependant, pour ce faire, les occidentaux devront cesser de constamment céder à la panique et se présenter en victime. L'ouest n'est pas victime; l'ouest est solide, telle est l'image qu'il doit incarner s'il veut vaincre.

Une nouvelle Guerre Froide

Évidemment, les armements de pointe n'en sont pas pour autant obsolètes. 2014 marquera probablement l'histoire avec le retour de la puissance russe sur l'échiquier mondial. L'habileté politique de Poutine, la puissance militaire et les forts atouts économiques de l'acteur russe en font de nouveau un incontournable dans le monde. De plus, la crise ukrainienne et l'annexion de la Crimée, suivie d'une montée vertigineuse de boucliers, laisse à craindre de grandes tensions géopolitiques pour les décennies à venir. Il est triste de constater qu'ici encore, l'occident s'est engagé dans une stratégie aventuriste et sans issue. Gorbatchev et même, plus récemment, Kissinger, auront raison d'affirmer que le monde se dirige dangereusement vers une Guerre Froide. Et comme l'a bien détaillé le dernier dirigeant de l'URSS, les États occidentaux font preuve d'un triomphalisme inacceptable, persuadés que la victoire de la guerre froide légitiment leurs actes.

Pour commencer, cette néo-Guerre Froide était évitable et est le résultat d'une mauvaise gestion diplomatique de la crise ukrainienne par l'occident. Et bien que nous n'ayons pu anticiper l'importance des manifestations de place Maïdan pour l'intégrité occidentale des prochaines décennies, il faudra s'admettre la faillite de nos actions. S'il arrive réellement que la Russie se ferme définitivement à nous, on pourra déjà parler d'une défaite occidentale, en ce sens que nous n'aurons su perpétuer notre supposée victoire sur la Guerre Froide. C'est précisément là que sont les conditions de victoire occidentale; le maintient d'une bonne relation avec la puissance russe. Hélas, hier encore, Poutine a fait mettre le cap à deux navires de guerre pour Brisbane en Australie afin qu'ils puissent être présents pour le sommet du G20, tout cela en réaction au Premier Ministre australien qui aurait averti qu'il serait très agressif envers Poutine au sujet du vol MH17. Le lendemain, on rapportait que la Russie ferait des patrouilles de bombardiers intercontinentaux sur l'est du Pacifique et l'ouest de l'Atlantique. Pourquoi en sommes-nous arrivés là?  L'Ukraine avait deux propositions sur la table; une partenariat avec l'Europe et un avec la Russie. Que son président fût de mèche avec Poutine, que la proposition russe fut plus avantageuse à cause de la surenchère des deux pôles d'influence, qu'il y ait eu opposition virulente de part et d'autres; qu'il se soit créé des mouvements sécessionnistes et annexionnistes, que la Russie ait militarisé le conflit, tout cela n'aurait pas dû provoquer une irraisonnée frustration occidentale, mais plutôt sa méfiance et sa prudence. L'Ukraine reste le berceau de la Russie médiévale, elle fut un territoire de la Russie tsariste tout autant que de l'Union soviétique, beaucoup de ses habitants de l'est sont complètement russophones, en bref, l'Ukraine est historiquement insérée dans l'aire d'influence russe. De plus, il faudra quand même s'admettre l'avancé fulgurante de l'OTAN en Europe de l'est, dans le Caucase et en Asie centrale. De là le sentiment que Gorbatchev exprimait lorsqu'il parlait de « triomphalisme ». La Russie est désormais encerclée par l'ennemi qu'elle aura combattu pendant 40 ans et celui-ci se retrouve même sur l'ancien territoire de l'Union Soviétique… Aurait-il fallut pour autant abandonner l'Ukraine? Non; simplement, aussi tristement que cela puisse paraître, le sort politique momentané d'une région troublé et en redéfinition depuis la chute de l'URSS ne valait définitivement pas une Guerre Froide.

Pour reprendre l'initiative des événements, ici encore, l'occident devra être fidèle à son image authentique; il devra être pacifique, modéré et négociateur. Nous sommes des démocraties; nous parlementons pour en arriver a des décisions et il n'est pas normal que Poutine fasse meilleure figure en ce domaine à l'heure actuelle. Les sanctions économiques, les sermons politiques et le bashing médiatique ne créent que des rétractations qui auront poussé l'homme fort de Moscou à augmenter la tension militaire. De plus, ils alimentent fortement une idéologie extrêmement périlleuse pour l'occident : l'eurasiatisme. Cette dernière consiste en une sorte de collaboration de la Russie avec les autres pays asiatiques, consolidant une eurasie prospère et puissante. Comme je l'ai déjà mentionné, l'image occidentale est actuellement ternie et la Russie en profite pour créer de nouveaux liens solides en Asie. Ainsi, on peut déjà voir une nette collaboration de Moscou avec l'Iran et la Chine, posant les base d'une influence russe au Moyen-Orient et en extrême-orient. Notons d'ailleurs que les accords mammouths de pipelines entre la Russie et la Chine sont une résultante directe des sanctions occidentales. Aussi, notez le péril immense que représenterait une alliance entre la Russie et la Chine, qui dévoilait tout dernièrement ses nouveaux chasseurs J31, sortes de version bon marché du F35. Les États-Unis sont alliés à deux pays aux prise avec des tensions claires avec la Chine (Japon, Philippines). En ces conditions, il est impératif de restaurer nos relations avec la Russie, maintenir la bonne entente avec le géant chinois et enfin, inclure l'Iran dans le processus de pacification du Moyen-Orient et s'en faire un bon partenaire. L'occident gagnera s'il arrive à renouer des liens solides avec les partenaires qui comptent, car avec une eurasie unie contre nous, nous serions peut-être au seuil d'une Guerre « Froide » que nous ne pourrions vaincre.

En continuation, les contraintes des nouveaux rapports de force réimposeront une vision plus réaliste des relations internationales. En effet, si l'ouverture du monde à la chute de l'URSS laissait espérer plus d'idéalisme dans les politiques extérieures, la réfraction identitaire actuelle et le désastreux potentiel destructeur qu'elle fait courir au monde recommande un esprit plus analytique et pragmatique. Ainsi, comprendre que dans un monde initialement bipolaire, devenu unipolaire et d'où est émergé un monde multipolaire, la dynamique des interactions diplomatiques doit radicalement être adaptée aux circonstances est une nécessité. Dans le monde unipolaire que nous avons connu sous la puissance américaine, les contestations étaient intestines et l'on aspirait à créer de bonnes alliances avec les bonnes organisations, les rebelles les mieux placés, ou les groupes citoyens les plus légitimes.  Aujourd'hui, dans un monde multipolaire, les bonnes alliances seront celles qui unissent solidement des États qui gèrent bien leur territoire. Les américains ne gagneront pas la paix au Moyen-Orient en finançant les rebelles syriens, mais en travaillant de concert avec des États stables comme l'Iran et le Kurdistan par exemple. Ils ne gagneront pas la paix nucléaire non plus en finançant des rebelles ukrainiens, mais en travaillant de concert avec le géant Russe et les gouvernements concernés.  Il faudra planifier nos stratégies géopolitique en fonction de sphères d'influences que nous saurons accorder à nos partenaires. Un Iran fort saura beaucoup mieux gérer les subtilités des politiques moyen-orientales et les américains devraient impérativement les ramener dans leur giron et leur accorder une sphère d'influence dans le golfe persique et en Asie Centrale. Une Russie alliée sera toujours, et je crois que je passerai pour les explications, un atout incontournable et a droit à la reconnaissance de sa sphère d'influence eurasiatique. Une Chine amie, désormais, est tout aussi incontournable, cependant la bonne entente avec celle-ci réside dans la bonne entente avec ses voisins qui sont nos alliés. Ainsi, le jeu extrême-oriental réside en quelque sorte dans le règlement des mésententes territoriales, et donc, de l'attribution entre les acteurs de leur sphères d'influences propres. Le monde multipolaire est résolument un monde diplomatique, il faudra donc beaucoup d'esprit de négociation pour unir de tels ensembles géostratégiques.

Il faudra aussi cesser d'évoluer dans un paradigme de jeux à somme nulle. La victoire globale de l'ouest, si  elle advient un jour, s'atteindra par la négociation et les compromis. Or les guerres du 20e siècle furent des guerres où la victoire ne pouvait s'obtenir que par la destruction complète des forces adverses. En effet, il ne pouvait y avoir de négociations avec le nazisme ou le communisme; c'était l'annihilation ou le blocage complet. Ces guerres auront créé un paradigme néfaste; celui qu'il est essentiel d'être intransigeant avec ses adversaires. Ce travers idéologique ne fait aucune place à la diplomatie et aux pourparlers essentiels lorsqu'on a à faire à des forces équilibrés. Il faudra donc que l'ouest réapprenne à faire des concessions légitimes. Qu'il ne bloque pas complètement ses relations avec l'Iran parce qu'ils a des mésententes nucléaires, qu'il ne bloque pas complètement ses relations avec la Russie parce qu'il n'approuve pas sa prise de la Crimée, car au bout du compte, il bloque plus souvent qu'autrement les négociations essentielles aux règlements des conflits. Il faudra réapprendre à accepter des demie-victoires, car elle seront toujours mieux que des défaites.

Cependant, malgré une diplomatie bienveillante, il faudra rester ferme sur nos acquis. L'arctique devient peu à peu une zone à haut risque dans nos relations avec la Russie et la Chine reste inquiétante dans ses prédations territoriales extrêmes orientales. Il faudra donc être ferme, sans pour autant tomber dans l'agressivité qui a caractérisé nos récents rapports avec la Russie de Poutine.

Pour un retour aux guerres ritualisées

Maintenant, la réalité nous impose de bien grandes contraintes. La confiance est peut-être  définitivement rompue avec la Russie, et nous nous retrouvons désormais dans une impasse. Il est désormais très hasardeux de penser que l'est et l'ouest puissent de nouveau vivre en harmonie tant les modèles de société qui s'affrontent ont renforcés des identités distinctes et inconciliables. L'affrontement par guerres interposées va probablement recommencer, tout comme la course aux armements participera aux stratégies de dissuasion. Mais si la réconciliation finale entre l'est et l'ouest peut nous apparaître retardée, une chose, et non la moindre, saura nous assurer une victoire certaine : la pacification du Moyen-Orient. En effet, s'il peut sembler encore plus ardu de vaincre en ces lieux, il n'en reste pas moins qu'on parle ici du conflit le plus urgent, de celui qui a le plus d'influence sur la paix mondiale et surtout, de celui qui caractérise véritablement le début du 21e siècle. Il faut sortir de la guerre au terrorisme une bonne fois pour toute, rétablir notre image et être finalement considérés comme des protecteurs de la civilisation et de la paix. Il faut aussi agir vite, car ce pourrait être notre seul levier face aux puissances montantes qui sauront faire entendre de plus en plus fortement leurs revendications sur le monde. Il faudra être reconnus comme les principaux artisans de la paix au Moyen-Orient pour pouvoir maintenir notre poids dans les négociations que nous auront à tenir dans le monde multipolaire en émergence. En ces conditions, c'est une nécessité; nous devront vaincre la guerre au terrorisme avant de vaincre les puissances autocratiques de la terre. L'un justifiera l'autre, et non l'inverse.

Enfin, toutes ces mutations dans les rapports de forces ramènent une question fondamentale : qu'est-ce que vaincre, en 2014? Nous ne pouvons plus nous fier aux symboles traditionnels de la victoire tels que les traités, l'adoption de nouvelles constitutions ou l'écrasement des forces adverses. Le jeu militaire semble beaucoup plus complexe, impliqué dans les technologies de communications et dans l'opinion publique. C'est donc dire que la victoire est moins militaire que morale, et donc, qu'il est envisageable d'être victorieux si on l'emporte sur le terrain du paraître. Il nous faudra, avant toute implication guerrière, établir clairement les conditions de victoire, préparer l'après-guerre et l'expliquer aux gens. Pourquoi allons-nous en Irak actuellement? Personne ne le sait vraiment. Pour vaincre, il faut déjà savoir les règles du jeu; établissons-les au préalable. Que les gouvernements expliquent clairement leur démarches au grand publique et qu'ils se fixent des objectifs précis, significatifs et réalistes. Ensuite, que l'on ramène une certaine forme de ritualisation de la guerre est une nécessité. Nous ne gagnons pas si nos ennemis se sentent plus forts et plus courageux, ainsi, nos drones ne parviendrons jamais à vaincre le terrorisme. Il nous faudra respecter à nouveau la guerre et l'énorme responsabilité qu'elle incombe, et le combat honorable et sincère est le seul qui puisse parvenir à vaincre la barbarie. Pour conclure, il faudra enfin savoir profiter de nos victoires en restant humbles et authentiques, en évitant de s'adonner au triomphalisme décadent, et vaincre les plus grandes puissances par la tempérance et par l'attractivité envoûtante de notre magnifique modèle de société. L'occident n'est pas opulent; l'occident est droit; telle est l'image qu'il doit incarner.

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